Manuels scolaires

, par BERNOLLE Marie-Anne, Chargée de mission pour l’Inspection de Lettres

Les manuels scolaires font partie des ressources pour le travail des élèves. Ils offrent un accès à des corpus de textes et d’images variés, des scénarii pédagogiques finalisés, de nombreux exercices (notamment en grammaire), des fiches de synthèse abouties. Ils sont mis disposition des élèves et financés par les collectivités territoriales. Le professeur doit les prendre en compte mais ne peut les considérer comme des cadres de référence scientifiques. En outre, ils sont conçus selon des logiques éditoriales spécifiques à chacun d’entre eux, les contenus en sont pensés par les auteurs selon leur propre démarche intellectuelle, et ainsi ils proposent une certaine interprétation des programmes, et une certaine manière de faire. Fort de cette vigilance, le professeur pourra choisir et utiliser les manuels comme une des ressources de son travail au bureau, et devra en expliciter l’usage aux élèves.

Un nécessaire recul

Les manuels scolaires peuvent être considérés comme la principale ressource à laquelle se référer pour les élèves et les familles – et la période du confinement les a mis au cœur de la scolarité à distance, en particulier pour ceux qui ne pouvaient avoir accès aux ressources numériques. Du côté des professeurs, le regard est plus distancié : le choix du manuel par une équipe disciplinaire peut être l’occasion de controverses ; certains professeurs utilisent le manuel, d’autres non. Enfin, du côté des éditeurs, la palette des ouvrages scolaires et parascolaires est étendue, pour répondre aux besoins les plus larges : manuels bicéphales (anthologie d’une part, grammaire de l’autre), manuel unique commun à toute la classe, cahier d’activités personnel (le plus souvent cahier de grammaire, plus récemment cahier de lecture et d’écriture, et cahier de « méthode » de préparation aux examens), guide et vademecum divers, cahier de vacances…
Le manuel est donc un objet scolaire à passer au crible, en premier lieu parce que des choix éditoriaux différents donnent à voir des visions différentes de la discipline. Par exemple, la manière de « découper » le français selon les parties du manuel peut révéler dans quelle mesure les grands champs de l’enseignement du français sont articulés entre eux, ou si l’on entre par thématiques ou compétences. Le choix des corpus peut témoigner d’une logique de courts « morceaux choisis » ou de grands empans d’extraits mimant la lecture d’œuvre intégrale. Textes, grammaire et méthode ? « Parcours de lecture » et exercices ? Lire un texte, rédiger un texte ? Textes et images, histoire des arts, lexique et langue, expression écrite et orale, parcours citoyen ? Il s’agit donc, pour le professeur comme pour ses élèves, de s’approprier une logique pensée par d’autres - requérant ainsi d’être expertisée par l’enseignant, et explicitée pour les élèves.

Cette prise de recul est particulièrement nécessaire en période de réforme, où les questions d’interprétation des programmes et de nouveaux formats d’examens, deviennent vives. Les nombreux spécimens que reçoivent les professeurs invitent à un travail comparatif. À titre d’exemple, la récente réforme du lycée a ainsi mené les éditeurs à ménager une place différente à l’histoire littéraire : traitée comme telle en un chapitre dédiée, véhiculée au fil d’une anthologie ample, ou resserrée autour de groupements de textes chronologiques couvrant l’objet d’étude… Notons que l’expression « histoire littéraire » n’apparaît que deux fois dans les programmes de seconde, une seule dans ceux de première – mais que l’on retrouve vingt-quatre occurrences du mot « culture », et quatre (2de) et neuf (« 1ère ») occurrences du mot « contexte » (historique, culturel, artistique, générique, de création, de réception). Les programmes invitent donc moins à enseigner l’histoire littéraire en soi qu’à chercher à construire des repères pour les élèves, repères qu’ils puissent mobiliser pour comprendre les textes. Au professeur de puiser dans les ressources des manuels en visant ce cap.
Enfin, le phénomène récent de la numérisation des manuels accroît encore l’amplitude des corpus, et la variété d’activités pour les élèves (écoute et compréhension de textes lus à voix haute, annotations des textes, écritures collaboratives, manipulations grammaticales de déplacement et de suppression dans la phrase…). L’expertise didactique et pédagogique du professeur s’accroît donc tout autant, puisqu’il doit veiller à la construction de l’autonomie des élèves dans la navigation au sein du manuel virtuel, à l’équilibre dans l’hybridation de son enseignement, intégrer à ses préparations la logique des classes inversées… problématiques professionnelles exacerbées lors de la crise sanitaire et dont il s’agit de tirer encore les leçons.

Organisation du manuel

Avantages

  • Permet la circulation entre les grands champs de l’enseignement du français : lire, écrire, parler, étudier la langue.
  • Favorise la construction des compétences du domaine 2 du socle commun, nécessaire à tout travail en autonomie : maîtriser les méthodes et outils pour apprendre.

Points de vigilance

  • Les élèves se repèrent-ils dans l’organisation d’un manuel pour travailler seuls ? Aller chercher une définition, un prolongement, des modèles, des pistes de travail ?

Piste de travail

  • Instaurer un à plusieurs temps consacrés à la découverte, la manipulation, la navigation dans le manuel. Enseigner par exemple l’utilisation d’un index, d’un glossaire, etc.

Lire

Avantages

  • Le manuel constitue une anthologie de textes dans laquelle puiser au fil de ses propres conceptions de cours, et permet des lectures nombreuses, variées, en réseaux.

Points de vigilance

  • Les textes littéraires sont toujours présentés sous la forme d’une page composite, qui associe au texte des titres et des sous-titres rédigés par les auteurs du manuel, image(s), notice(s), pavés de questions, encadré(s)…

Piste de travail

  • Il paraît essentiel d’enseigner la lecture d’une page composite aux élèves, car cette compétence doit s’exercer dans toutes les disciplines, et que le cours de français en est le lieu privilégié. C’est pourquoi cette compétence est évaluée aux tests nationaux d’entrée en 6ème et en 2nde. Faire d’une page de manuel un objet de travail en questionnant les liens entre des documents aux statuts très différents, faire fabriquer aux élèves une page de manuel, sont des pratiques fructueuses.

Écrire

Avantages

  • Les manuels regorgent de consignes d’écriture variées, et proposent souvent des méthodologies pour écrire, notamment les exercices des examens.

Points de vigilance

  • Une consigne d’écriture pensée par des auteurs qui ne connaissent pas la classe peut demander à être réécrite ou accompagnée.
  • La méthodologie peut être indigeste, et présenter des étapes de travail incontournables alors que chaque élève est différent. Surtout, ces méthodes présentent le risque de retarder le moment d’exercice : c’est en écrivant qu’on apprend à écrire.

Piste de travail

  • Aiguiser le regard réflexif des élèves en comparant des méthodologies issues de manuels différents pour un même exercice.

Parler

Avantages

  • Les manuels ont pris en compte le tournant qu’a constitué la Réforme du collège de 2016 en inscrivant l’oral au cœur de l’enseignement du français – confirmé par l’instauration du « Grand Oral » en terminale. On y trouve donc, comme pour l’écriture, des consignes variées.
  • Les manuels numériques permettent de travailler la compréhension d’un texte lu à voix haute, d’un discours, d’un propos oral.

Points de vigilance

  • Toutes les dimensions de l’oral doivent être travaillées, sans réserver cet enseignement à certains exercices codifiés. Les manuels ont peu d’accès aux pratiques quotidiennes du cours dialogué par exemple.

Piste de travail

  • Identifier, pour soi, et pour les élèves, les moments où la prise de parole d’un élève est une situation d’apprentissage. Donne-t-il une réponse à une question posée au fil de l’eau ? L’élève exerce sa capacité à reformuler des savoirs, utiliser des concepts, enrichir sa pensée grâce au dialogue collectif de la classe. Lit-il un texte à voix haute ? L’élève rend ainsi compte d’une compréhension fine et détaillée.

Étudier la langue

Avantages

Points de vigilance

  • Les leçons à proprement parler ne sont pas toujours stabilisées scientifiquement (par exemple, certains manuels présentent le conditionnel comme un mode, d’autres comme un temps).
  • L’ordre des leçons ne permet pas toujours de travailler dans la perspective de construire la vision de la langue comme un système, c’est-à-dire en partant du verbe, qui permet d’identifier la structure fondamentale de la langue française : la phrase.
  • Le découpage entre grammaire, conjugaison, orthographe, lexique peut être trop étanche (par exemple l’orthographe mêle les dimensions lexicales et grammaticales).

Piste de travail

  • La construction d’une progression annuelle pour l’étude de la langue est un enjeu fondamental. Des exemples sont présentés dans les ressources nationales d’accompagnement sur Éduscol.
Mots associés
lecture/modalités - écriture - étude de la langue - oral - enseignement des lettres - mise en œuvre des programmes

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