Contextualisation

, par BERNOLLE Marie-Anne, Chargée de mission pour l’Inspection de Lettres

Comment donner aux élèves une perspective historique de la littérature tout en les engageant dans des lectures authentiques ? Faut-il enseigner l’histoire littéraire ?

Le contexte institutionnel des programmes

Les programmes de collège comme de lycée sont organisés autour d’une perspective d’histoire littéraire (genres et siècles) :

  • implicitement pour le collège qui expose des entrées par thème,
  • explicitement au lycée qui en seconde, vise à construire une approche raisonnée des formes, des genres et une connaissance générale des grandes périodes de l’histoire littéraire, de manière à permettre en première un approfondissement par l’étude des œuvres et parcours associés, arrêtés par le programme national.

Au collège, se dessinent des compétences de contextualisation : mise en lien texte et genre, texte et époque de production.

Constituer un horizon de référence

Une fois le contexte institutionnel des programmes posés, on notera que l’histoire littéraire et générique n’est ni une finalité, ni un enseignement à part entière, mais un outil pour mieux comprendre les textes, et constituer un horizon de référence.
Les objectifs sont en premier lieu la connaissance des formes et des genres replacés dans leur contexte historique, culturel et artistique, en deuxième lieu la construction d’une culture littéraire partagée, en dernier lieu l’éducation du goût.
L’écueil le plus important serait donc d’assigner le texte à un rôle d’exemplification d’un cours d’histoire littéraire qui priverait l’élève d’un véritable travail de lecture, le texte devenant un simple document apportant les signes de la véracité du cours d’histoire littéraire.

Quelques paradoxes à lever :

  • Lecture authentique & connaissances préalables
  • Contextualisation du texte dans son temps de production & dans son temps de réception

Une question en tension

Au niveau didactique

  • d’un côté, le travail de contextualisation parasite la lecture actualisante que les élèves lecteurs peuvent réaliser ; elle fait écran à la réception effective du texte puisqu’une réponse a été apportée avant que le texte ne questionne l’élève ;
  • d’un autre côté, l’absence totale de contextualisation empêche la compréhension des inférences culturelles.
    Il n’est pas souhaitable d’apporter à cette question de tension une réponse définitive et générale ; il convient davantage de l’adapter à la spécificité des textes et surtout à la diversité des élèves.
    Alain Boissinot précise à ce sujet que :

    L’esthétique de la réception, en mettant l’accent sur le rôle des lecteurs et sur le travail de l’interprétation, permet donc un nouveau regard sur l’histoire littéraire. Celle-ci n’apparaît plus comme un préalable, supposé objectif, à la lecture : elle est reprise dans le jeu de la lecture, remise en jeu dans la lecture, conçue comme un dialogue entre l’œuvre et ses publics. Contre l’usure du temps et l’entropie qui vouerait les œuvres à devenir inintelligibles, c’est ce dialogue qui leur donne vie par le renouvellement interprétatif. [1]

Dans la pratique de classe

C’est donc dans la pratique de classe que se résout l’apparente contradiction initiale.

On peut jouer sur différentes entrées :

Il convient donc de faire alterner :

  • des phases dans lesquelles l’élève s’approprie la signification d’une œuvre, voire la trahisse, car le caractère littéraire d’une œuvre tient à ce qu’elle signifie en dehors de son contexte ;
  • les phases dans lesquelles on s’intéresse à rebours aux représentations sociales politiques, morales et esthétiques qui constituent le contexte initial de la production du texte.

C’est aussi par la comparaison entre des textes du même auteur ou pas, d’une même époque ou pas, mais soulevant la même problématique littéraire, que les deux objectifs de la contextualisation et de l’actualisation peuvent coexister.

La structuration récente des programmes

  • au lycée, autour de « parcours autour d’une question littéraire »,
  • au collège, d’une autre façon, autour de questionnements thématiques qui se déroulent de la 5° à la 3° en variant époques et genres

permet de faire résonner les textes entre eux et de faire comprendre que

Les textes recèlent une capacité à se transformer, sous l’action du temps et des interprétations [2].

La fabrique d’histoire littéraire

C’est ainsi plutôt à une fabrique d’histoire littéraire - tout à la fois juste sur le plan des savoirs et suffisamment résonnante pour faire trace dans l’imaginaire du jeune lecteur - que visent les programmes.

Mots-clés-associés
enseignement des Lettres - corpus - séance/séquence - mise en œuvre de la séance

Notes

[1A. Boissinot, Littérature et Histoire, Paris, Bertrand-Lacoste, coll. « Parcours didactiques », 1998, p. 35

[2L. Murat, Relire – Enquête sur une passion littéraire, Paris, Flammarion, 2015, p. 35

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