Le cours de lettres à la rentrée de septembre en lycée Annexe 2

, par Inspection pédagogique régionale de Lettres

Lettre de l’Inspection - 29 juin 2020
Lire la lettre publiée dans la rubrique Institutionnel

Le présent article constitue l’annexe 2 à la lettre de l’Inspection, consacrée au lycée.

1- Considérations générales

Une progression spiralaire

Le cours de français construit et consolide avant tout les compétences de lecture, d’expression, écrite ou orale, ainsi que le socle littéraire et culturel des élèves, en jouant sur l’itération et la variation de situations de travail, conçues librement par les professeurs. La reprise en septembre en Lettres appelle à concevoir une progression spiralaire de façon à revenir sur les acquis tout en entrant dans le programme (objet d’étude, exercices écrits, langue).

La dynamique de travail

Les temps d’enseignement qui structurent la progression pédagogique annuelle (qu’ils soient nommés séquences, chapitres, plans de travail, ou projets…) prennent certes appui sur des entrées ou des objets d’étude figurant dans les programmes, liés à des genres et des périodes historiques donnés et des notions grammaticales.
Toutefois, l’essentiel de la dynamique de travail demeure bien fondée sur :

  • la variété et la « résistance » graduée et graduelle des corpus de textes, qui développent les compétences de compréhension et d’interprétation, aidées par des activités qui font travailler l’aptitude à faire des inférences, à tisser des liens… ;
  • la variété, la fréquence et l’amplitude des travaux d’écriture (de l’écriture au long cours aux écrits de travail ponctuels), qui exercent les compétences d’écriture ;
  • la lecture à voix haute comme l’oral en continu, qui permet de restituer, d’exposer, d’argumenter ;
  • la réflexion linguistique sur des corpus, des phrases ambiguës, des faits de langue saillants et des dynamiques d’interrogation, de manipulation, de mise en jeu de la langue pour se concentrer sur les soubassements linguistiques (la subordination, la détermination…) plutôt que de fragmenter et disperser les savoirs en une suite de leçons non corrélées.

2- Priorités pédagogiques

En seconde

Le cours de lettres met en œuvre des situations de travail pleines et entières autour des quatre pôles (parler, lire, écrire, étudier la langue) qui forment le creuset de notre discipline.
Ces situations de travail doivent permettre de :

  • assurer un accompagnement qui permet aux professeurs de repérer de façon fine ce que l’élève sait faire, sans passer par des évaluations de contrôle standardisées ;
  • faire le point sur ce que l’élève repère comme notions (la langue, les genres littéraires, des scansions sommaires dans l’histoire littéraire) nécessaires à la réussite en 2nde ;
  • ré-instituer un rythme de travail progressif, qui procède par séquences compactes, de durée (5h/10h/15h) et de complexité croissantes, ouvrant des chantiers d’écriture inventifs, dont l’accompagnement peut susciter échanges oraux et ateliers de langue pour réviser les textes ;
  • favoriser de façon systématique le travail collaboratif, particulièrement en dehors du cours, en mobilisant les habitudes et les outils qui ont pu être développés pendant le confinement.

En langue
On privilégiera l’étude du verbe envisagé dans les chaînes d’accord avec son sujet et du point de vue de sa morphologie ainsi que de ses valeurs temporelles. L’étude des valeurs aspectuelles et modales pourra se faire plus tard dans l’année. On privilégiera une approche de la phrase (simple/complexe) de manière à faire apparaître la distinction entre juxtaposition, coordination et subordination. A l’occasion de textes relevant de la littérature d’idées, on verra les rapports logiques d’antériorité et de postériorité, de cause et de conséquence. La catégorisation des différentes subordonnées n’interviendra que dans un second temps.

En littérature
On procédera à une approche globale des genres littéraires (repérage, caractéristique, inscription dans le temps, réception) en privilégiant la littérature du XIXème à nos jours et en favorisant des œuvres antérieures mais d’accès facile aux élèves, à croiser avec des questions morales et philosophiques qui résonnent aisément auprès des classes. La lecture savante de type analytique ou l’explication linéaire est à déplacer dans la seconde partie de l’année ; on privilégiera des approches plus cursives de manière à exercer compréhension, interprétation et aptitude à faire des liens.

La préparation, notamment méthodologique, aux formats de l’examen de 1ère est à différer à la fin de l’année de 2nde. On privilégiera toutes les situations de travail qui engagent les élèves à commenter, argumenter et synthétiser. On les accompagnera dans le repérage des grandes caractéristiques de ces actes cognitifs fondamentaux pour réussir au lycée.

Commencer l’année en Seconde
Les premières semaines de l’année gagneraient à s’organiser, comme dans les niveaux précédents, sous forme de séquences brèves qui permettent de remobiliser et de situer les élèves dans leurs apprentissages.

  • Séquence 1 (5 heures) : observation évaluative de là où en sont les élèves à partir de corpus composites (littérature, articles de presse, images…) : repérage des genres, compréhension de l’écrit, capacité à intervenir à l’oral. Réalisation par groupes collaboratifs en dehors de la classe d’un petit dossier sur une autre thématique croisant la situation actuelle et des questions éthiques ou morales.
  • Séquence 2 (10 heures) : lancement d’un chantier d’écriture ponctué par des séances de langue et nourri de corpus hybrides autour d’une autre question éthique ou morale. En parallèle, écrits de travail (écrits de synthèse, résumés de recherche, d’échanges dans la classe, définitions etc.) ponctuels pour cartographier les grandes caractéristiques des genres rencontrés et leur inscription dans l’histoire.
  • Séquence 3 (15 heures) : lancement de l’étude d’une œuvre intégrale en lien avec la littérature d’idées et qui relève du roman ou du récit. On accompagnera la lecture par des activités de mise en voix, par le carnet de lecture, en suscitant des recherches dans l’univers de l’œuvre. Lancement d’une écriture d’essai, relayé par des débats à l’oral dans la classe.

En première

En première, comme en seconde, le travail scolaire en lettres - conversation littéraire, exploration linguistique, partage des livres, débat d’idées, expériences de l’écrit - dans sa régularité, son approfondissement, son appétence, a été totalement revisité à distance, ou malheureusement parfois n’a plus eu cours pendant plusieurs mois.

Il s’agit donc de recréer les conditions d’une rencontre avec les Lettres, d’une envie pour notre discipline, tout autant que d’initier une logique de l’effort retrouvé, d’une forme de constance alliée au plaisir et au jeu, de prendre ce temps sans l’isoler du travail qui sera mené autour du programme d’œuvres, du travail des compétences attendues lors des épreuves anticipées

L’enjeu de ce premier temps relève de l’étayage, du renforcement, de l’accompagnement collectif et individuel puisque l’hétérogénéité sera décuplée à la rentrée en termes d’acquis et de motivation. Le travail collaboratif, les pratiques de tutorat seront donc à encourager et on peut aussi envisager des heures d’accompagnement personnalisé à flécher.

La perspective des épreuves anticipées invite toujours en Première à une programmation attentive à l’accompagnement, à la maturation des élèves et à une gestion du temps rigoureuse pour traiter le programme. À ce double enjeu bien connu, s’ajoute cette année la nécessité d’instaurer un temps qui permette aux élèves de retrouver la discipline, de repérer leurs acquis, leurs références, de faire le point, et aux professeurs d’observer les élèves au fil du travail pour cerner les besoins et adapter leur progression. L’approche des exercices de l’écrit aura nécessairement été partielle en Seconde.

Commencer l’année en Première
Plusieurs pistes, plusieurs organisations sont possibles en fonction du projet annuel.

Quelques invariants se dégagent.

  • Engager le travail des grandes compétences oral, écrit, compréhension à travers des activités qui visent à reformuler, argumenter, interpréter, analyser, classer, relier, synthétiser…
  • Engager les élèves dans une pratique active et très régulière de l’oral et de l’écrit dans des formes souples qui constituent l’approche la plus féconde des exercices canoniques.
  • Penser une progression annuelle spiralaire des genres, des œuvres et des formes d’écriture, de lecture et d’oral qui permette des reprises, des retours et favorise la consolidation des compétences et des connaissances.
  • Favoriser dès le début de l’année toutes les formes de remémoration, d’explicitation et d’appropriation à l’oral comme à l’écrit par la collaboration dans des formes d’oral variées et avec les outils numériques, la fréquence des écrits de travail, les pratiques d’auto-positionnement.

Remobiliser ses connaissances, faire des liens, entrer par la lecture, faire le point à l’écrit
Des travaux sur les formes et les genres peuvent être proposés à partir des corpus ou des œuvres étudiées en seconde avant de travailler celles du programme de Première. On peut par exemple proposer de partir d’une relecture des carnets de lecture de seconde et plus généralement des écrits d’appropriation pour synthétiser oralement ou par écrit ce que la classe a retenu, ce qui semble utile pour progresser dans la connaissance d’une forme ou d’un genre. La restitution peut se faire par exemple sous la forme d’un écrit collaboratif. Un projet de ce type en quelques heures (4 ou 5 heures) peut également permettre de faire le point sur le genre, l’objet d’étude moins étudié ou abordé pendant la période de confinement. Si l’on souhaite étendre un peu cette phase de remobilisation des connaissances, on peut inaugurer, grâce aux outils numériques collaboratifs, la création d’un manuel numérique de la classe qui serait augmenté au fil de l’étude des objets d’étude et des œuvres au programme. Les capacités à synthétiser, à classer, à relier, à définir, à interroger les définitions initialement proposées seraient ainsi sollicitées pour construire des savoirs et des références littéraires.

Pratiquer l’oral, retrouver le goût de la langue et l’argumentation pour faire le point
Une pratique active de l’oral dans la double perspective des enjeux de l’EAF oral et ceux du Grand oral peut aussi donner du dynamisme et de la visibilité sur la construction des compétences et des apprentissages sur les deux ans de scolarité qui restent au lycée. Dans ce cas, la lecture à voix haute (enregistrée ou en direct), la justification des choix de mise en voix qu’un texte permet, la présentation synthétique d’un texte, d’une œuvre étudiée l’année précédente, la reformulation de leurs enjeux, le débat sur un personnage….constituent autant d’entrées dans une pratique souple du commentaire qui assurent à la fois les bases de la lecture linéaire, de l’entretien, celle du commentaire écrit, de la dissertation, et dans les références littéraires qu’il convient de remobiliser pour aborder le programme de Première. Dans tous les cas, on accordera une grande importance au métadiscours permettant aux élèves de bien identifier les compétences engagées, les attentes, leurs acquis et ce qu’ils doivent consolider. (Une ou deux semaines selon l’étendue du champ envisagé).

Ces moments d’échauffement littéraire pourraient aussi être pratiqués sous des formes plus réduites au début de chaque séquence consacrée à l’un des objets d’étude du programme.

3- Ressources pour les apprentissages

Pour rappel, nos ressources disciplinaires inédites, projets et mini-projets par niveaux et spécialités adaptables en classe ou à distance de la seconde à la terminale.

À l’écrit

  • En dehors de l’échange habituel de copies rendues par l’élève et corrigées par le professeur, privilégier le va-et-vient formatif d’un même texte sur lequel des travaux successifs sont éventuellement proposés : travaux d’amplification, mise en développement logique du propos dans un texte argumentatif, écriture d’un autre possible narratif dans un récit ;
  • Produire à l’écrit une explication du lien entre une construction grammaticale et une relation logique ou expliquer le choix qu’on a fait d’une construction à la place d’une autre pour exprimer une relation logique dans une phrase complexe. (Expliciter le lien entre la syntaxe et l’écriture) ;
  • Privilégier les outils d’écriture collaborative au moment de la correction des devoirs.

À l’oral

  • Distinguer l’apprentissage de l’oral en continu de l’oral en interaction, en utilisant des médias différents pour chaque compétence.
    Par exemple, capsules pour l’oral en continu et classe virtuelle ou travaux par groupes pour l’interaction ; lecture chorale (classe et/ou maison) d’un extrait grâce à une classe virtuelle ; enregistrement en classe et/ou à la maison de lectures d’extraits + présentation des choix de lecture (silence, rythme…), et création de capsules disponibles sur l’ENT ;
  • Privilégier les échanges entre élèves quant à la réception de l’oral en en demandant une trace quand le professeur est absent de l’échange : par exemple, entraînement en petits groupes à la lecture expressive = compte-rendu des lectures s’appuyant sur un outil coopératif / mémoire et commentaire des intentions de lecture ; travail personnel ou coopératif à distance = écouter et rendre compte d’une lecture de comédien et de son explication. Par exemple : « Écoutez, révisez » sur France Culture.

Pour rappel, les ressources académiques inédites sur l’oral, à destination des professeurs et des élèves avec la participation de Cyril Delhay :

En grammaire

  • En amont de la séance, à distance par groupe de deux ou trois, sur corpus indiqué par le professeur, trouver au moins deux questions de grammaire et en justifier la pertinence.
    Prolongement : argumenter entre groupes pour montrer quelle est la question la plus pertinente ;
  • Variante : par groupe de deux ou trois, sur un corpus indiqué par le professeur, trouver une/deux phrases qu’il serait intéressant d’étudier au regard de l’un des trois objets d’étude du programme de grammaire ;
  • Débat sur des phrases ambiguës : travail coopératif par groupes, en classe.

En lecture

  • Privilégier les versions numériques du carnet de lecture tout en laissant à l’élève le choix du ou des moments où il ouvre le droit de lecture à son professeur ;
  • Utiliser les versions numériques des œuvres étudiées pour inciter les élèves à y inscrire leurs commentaires et marques d’appropriation.
    Ouvrir, dans certains cas, des versions communes de ces commentaires : créer des éditions numériques de la classe (version augmentée avec les commentaires, les liens hypertextes vers des ressources, des écrits d’appropriation réussis, des lectures expressives…) c’est-à-dire un instrument partagé de construction de l’interprétation et de révision ;
  • Présenter un texte, une œuvre en variant/amplifiant/réduisant les temps de présentation : 60/120/180 /120 /60 secondes... ;
  • Préparer à un ou à deux, en classe et/ou à distance, une courte prise de parole qui réponde à la question : « comment comprenez-vous l’intitulé du parcours à la lumière de votre lecture de l’œuvre ? »
    Prolongement en classe possible : écouter deux ou trois réponses différentes, demander un écrit qui en fasse la synthèse et se positionner en faveur de l’une des réponses ;
  • Dialoguer/débattre : pour un roman, une pièce de théâtre, débattre en prenant le parti d’un personnage (le duc de Nemours vs le Prince de Clèves, etc.) ; pour une œuvre relevant de la littérature d’idées, sélectionner une des grandes questions qu’elle pose, proposer des éléments de réponse à deux, à trois, rédiger ensuite une synthèse en forme d’essai. Etc. ;
     À partir de l’œuvre choisie pour l’entretien, proposer un corpus d’extraits emblématiques/métonymiques/séduisants/difficiles à comprendre…, lire les extraits et justifier à l’oral les choix ;
     En classe et/ou à la maison, à deux, présenter l’œuvre choisie à l’autre élève, ce dernier imagine deux ou trois questions et explique pourquoi la présentation de son camarade suscite ces questions ;
     Explication linéaire : utiliser Edupad pour noter les nœuds de l’explication et les restituer à l’oral.

4- Modalités d’évaluation et dispositifs de travail à distance

Pour une évaluation formative

On privilégiera à distance, des évaluations formatives courtes et variées qui permettent aux élèves de s’exercer, d’automatiser, de faire le point, de travailler à leur rythme et qui libèrent du temps de cours en présentiel pour les apprentissages. Ces évaluations formatives avec les dispositifs à distance assurent à chacun un temps d’oral bien plus conséquent que ce qu’autorise le cours ordinaire. Les activités proposées peuvent être très variées.

Pour favoriser une évaluation formative permettant de faire le point progressivement sur le degré d’acquisition des compétences fondamentales des élèves tout en travaillant :

  • évaluer au fil de l’eau, en classe et à distance, à l’aide d’un carnet de suivi organisé par compétences toutes les démarches de mise en œuvre du travail de la lecture, de l’écriture, de la langue et de l’oral explicitées plus haut ;
  • à l’écrit, faire présenter un document, un personnage, un point de vue, rédiger de petits bilans en langue ou en littérature, etc.

Exemples de pratiques

  • Pour évaluer la lecture et pour l’oral : enregistrement audio d’une lecture à voix haute de quelques lignes pour la fluence, avec explication des insistances ou effets ; travail phonographique éventuel non stigmatisant à partir de petits bouts d’enregistrement, toujours reliés au sens (pour le cycle 3).
  • Pour évaluer la compréhension en lecture, proposer des textes accompagnés d’un support audio à lire et découvrir en classe inversée.
  • Pour évaluer la compréhension en lecture et les pratiques d’écriture  : rédaction de résumés sur un blog, un Pad, ou un ENT.
  • Pour évaluer la compréhension et l’oral en interaction : cercles de lecteurs avec débat sur le sens et négociation des réponses (en classe virtuelle, en petits groupes, avec un modérateur), etc.
  • En fonction de l’autonomie des élèves, développer l’usage des outils qui rendent possibles l’auto-évaluation, l’accrochage et la mobilisation (petit quizz, etc.) ; s’appuyer sur la production et l’évaluation entre pairs.

L’évaluation chiffrée jusqu’aux vacances de Toussaint n’est pas souhaitable pour les élèves qui doivent reprendre confiance en eux et retrouver gestes et pratiques de classe.

5- Humanités, Littérature et Philosophie

Les différents documents et activités proposés pour chaque thème ou questionnement pourraient être rassemblés sur un espace collaboratif (mur collaboratif de type Padlet, portfolio ou autre modalité de cours augmenté) afin de faciliter le travail à distance s’il doit reprendre. Cet espace, pourrait permettre aux élèves de poser des questions, de poster de petits travaux écrits ou des capsules pour l’’entrainement à l’oral. Ces modalités permettent, sur le modèle de la classe inversée, de centrer le cours en présentiel sur l’apprentissage et de mieux différencier.

Le travail d’élaboration et de décantation qui va conduire chaque élève à choisir progressivement les questionnements qui l’intéressent, puis concevoir et affiner les questions qu’il pourra proposer pour le Grand Oral mérite d’être amorcé dès le début de l’année de terminale et pourrait être consigné dans une sorte de portfolio qui garderait la trace des différentes étapes de la réflexion, de l’affinement du choix et du projet de parcours, des entrainements à l’oral (sous formes de capsules audio) au fil de l’année.

Pour rappel, les ressources sur l’oral :

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