Rentrer et accueillir …

, par Inspection pédagogique régionale de Lettres

Comment envisager la reprise ? Comment articuler présentiel et travail à distance ? Quels projets proposer ?

Cet article fait suite à Commencer, recommencer ... en français

Pour introduire - Quelques éléments de réflexion

Définir un moment particulier d’accueil avant le retour aux apprentissages apparaît fondamental pour parvenir à retisser le lien social et éducatif, pour goûter le plaisir de se retrouver, dans une présence certes différente, à distance, sans contact, une nouvelle fois inédite et curieuse pour les adolescents.

Il s’agit donc de se demander comment organiser un moment singulier :

  • pour « refaire école » avant de reprendre les apprentissages disciplinaires,
  • pour s’émanciper du vécu émotionnel du confinement et construire le devenir par un travail réflexif qui serait aussi l’occasion de traiter et de mettre à distance les flux d’images et d’informations d’une extrême densité, les fake news voire certaines théories délétères auxquels les élèves auraient pu être confrontés sur les réseaux sociaux.

La diversité des situations vécues par les élèves appelle pour le moins prudence et délicatesse, modération et tact, puisqu’il ne s’agit pas non plus de faire effraction dans leurs représentations, leurs chagrins ou leurs silences, mais de les aider à retrouver ce métier d’élève dont ils ont pu s’éloigner durant de longues semaines, qui a pu leur paraître difficile, parfois insurmontable dans le cadre de l’enseignement à distance, voire dérisoire face aux épreuves traversées.

Proposition de scénario

Temps 1 - Poser des mots

Temps 1 avec les élèves : poser des mots sur le passage, déclencher la parole sur le confinement et la reprise en classe.

Encadrement à deux professeurs de disciplines différentes.

Appuis

  1. Proposer des images : Photo langage. Distribuer des images contrastées sur le passage confinement / déconfinement.
    Questions ouvertes : quelle image choisiriez-vous pour représenter le confinement et le retour en classe et pourquoi ?
  2. Proposer au groupe d’élèves de produire des mots clés sur confinement / déconfinement et les classer.
  3. Proposer au groupe d’élèves des mots clés : glossaire de l’EMC (émotion ; égoïsme ; intérêt général ; règle-norme ; humanisme ; empathie ; fraternité ; science ; valeur ; autonomie…).

L’établissement prévoit de restituer sur un mur, sur l’ENT, sur la Web TV ou toute autre forme de restitution, accessible à tous et notamment aux parents d’élèves.

Temps 2 - Mini-projets disciplinaires ou pluridisciplinaires

À partir de ce premier temps de paroles, on peut se proposer de mettre à distance l’ensemble des paroles en les croisant avec les savoirs disciplinaires.

On avancera ainsi vers la reprise de l’enseignement ordinaire. Les programmes de nombreuses disciplines croisent en effet des questions que la période actuelle a suscitées.
Quelques nœuds thématiques que ne manque pas de soulever l’actualité de la reprise, ils ne sont pas exhaustifs. Chaque discipline pourrait voir comment elle s’y inscrit. À partir de là, des petites séquences pourraient être mises en œuvre.

  • Présence/absence à soi et aux autres, Présence absence au monde.
    L’éloignement physique permet d’éprouver un rapport différent à la réalité et aux autres dans lequel l’imagination ou la rêverie prennent une plus grande importance. En revanche, le confinement accroît la sensibilité aux détails dans la clôture de chambre, de l’appartement. Le paysage du quartier, lieu de vie à toutes les heures du jour mais lieu vide en apparence, change cependant en fonction des heures et des jours.
  • Intime / privé / public
    Repliement sur soi et sa famille nucléaire, mais surexposition aux autres de façon virtuelle ; la période de confinement interroge plus encore le lien (différence comme assimilation) entre intime, privé et public. Le privé prend sa source - tardivement - dans la chambre, le lieu d’habitation s’organise entre espace intime, espace familial, espace de convivial. La maison s’ouvre sur d’autres lieux plus “publics”- le lieu de travail - jusqu’à l’espace plus ouvert qui est l’agora ou espace public. En quoi la période de confinement, pensée à partir des cloisonnements d’avant, a brouillé les espaces faisant apparaître ce que nous savions déjà par les réseaux sociaux et les espaces virtuels ?
  • Lien social
    L’importance des relations obligées au sein de la famille nucléaire s’accroît et les liens habituels avec la communauté générationnelle se maintiennent mais uniquement à travers les réseaux sociaux ou le téléphone. On peut se contenter d’être en contact uniquement avec ceux que l’on a choisi contrairement au temps habituel de la classe où l’on est obligé de vivre avec ceux que l’on n’a pas choisis En même temps, les propositions culturelles, artistiques, sportives à distance se multiplient.
    Quel sens donner au lien social en période de confinement quand il est régi par la distance et le contact virtuel ?
  • Économie
    Un ralentissement de l’économie variable selon les secteurs d’activité, mais qui laisse planer le souvenir des crises récentes avec leur cortège d’incertitudes : chômage, faillites, pénuries. En même temps se profile un intérêt nouveau pour le travail des autres ; le corps social se perçoit mieux ainsi que l’interaction de chacun de ses membres. La réponse de l’État à cette crise apparaît comme déterminante et semble reléguer les solutions économiques d’hier comme frappées d’obsolescence. Parallèlement, d’autres acteurs économiques (associations, collectivités locales…) se substituent à lui ou concourent avec lui à la satisfaction de besoins de première nécessité ce qui donne une impression de fragilité du système
  • Connaissance scientifique
    Notre rapport à la connaissance scientifique a changé. Nous réagissons mal face à l’ignorance et au besoin insatisfait de tout expliquer. Le temps de la recherche ne peut prendre en compte l’urgence ressentie (vaccins, tests…). C’est un moment de crise dans lequel des certitudes vacillent et où l’on retrouve des démarches qui semblent archaïques (quarantaine). Ce serait une première piste.
    La seconde serait une réflexion sur ce que nous impose le virus sur notre rapport à la nature : une vulnérabilité partagée entre l’humanité et les espèces animales constituant les réservoirs pathogènes. La question de la densité et de la répartition de la population mondiale se pose avec davantage d’acuité
  • Virus / Épidémie / Pandémie
    Un travail sur l’histoire de ces mots permettrait de mettre à distance et rencontrer d’autres épidémies / pandémies dans l’histoire de l’humanité.
    Une autre piste serait celle de la recherche de ses causes multiples. D’où vient-il, quel lien avec la mondialisation ? Quelles sont les explications qui fusent de toutes parts ? Comment leur prêter attention ?
    Une troisième piste serait celle des discours tenus autour de la guerre ou de la résistance. Ces pistes visent la distance critique et la recherche des sources de tout discours sur le monde.
  • Traces / Mémoire / Témoignage
    Comment garder la trace de ce moment inédit ?
    Enquêter, archiver, documenter, créer la matière du travail de l’historien, du sociologue mais aussi de l’écrivain ; documents écrits, interviews, mais aussi images, dessins, photographies...
    Chacun est témoin ; pour faire trace, il faut collecter des signes qui ainsi feront trace.

La dispersion liée au confinement (préoccupations multiples, distance plus ou moins grande au travail scolaire), la complexité du retour en classe (organisation, combinaison de présentiel et distanciel, accueil et mise au travail, prise en compte et désancrage des situations vécues, etc.), la nécessité de redonner du sens aux apprentissages engagent à construire des projets courts et cohérents autour d’un des thèmes ci-dessus qui croisent à la fois les programmes de différentes disciplines et le contexte, l’expérience vécue par les élèves. Ces projets présentent le double avantage de s’adapter par leur format réduit aux horaires contraints liés à la reprise, de poursuivre le temps d’accueil en lançant à nouveau les élèves dans une dynamique de travail et d’éviter les effets délétères d’une juxtaposition de discours, de travaux dans les différentes disciplines, le tout en poursuivant le traitement des programmes de chacune des disciplines engagées. Ces projets modestes sur de « grandes questions » transdisciplinaires sont à géométrie variable et peuvent être travaillés sur une simple séance, en une ou deux heures ou au fil d’une semaine.

Quelques pistes

Les exemples qui figurent dans les tableaux ci-dessous sont donnés à titre purement indicatif pour mettre en évidence à la fois les transversalités possibles et des pistes simples d’ancrage dans les programmes des disciplines. Les professeurs peuvent s’en inspirer ou imaginer d’autres projets de leur choix.

Quelques pistes pour le collège

Quelques pistes pour le lycée général et technologique

Partager

Imprimer cette page (impression du contenu de la page)