Le Carpe diem à l’heure du confinement

, par Daphné Jacamon

Ce dispositif de continuité pédagogique propose d’inviter des élèves de seconde à s’approprier l’héritage poétique du Carpe diem, par l’articulation d’une lecture oralisée et d’un travail d’écriture. cette séquence s’inscrit dans le cadre de l’objet d’étude « La Poésie du Moyen Âge au XVIIIème siècle. »

À l’heure où la population mondiale se confine sans certitude du lendemain, la philosophie du Carpe diem portée par les poètes de l’Antiquité prend un relief tout particulier : « cueille le jour présent sans te soucier du lendemain », nous conseille Horace dans ses Odes « À Leuconoé » ; « cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie », répétera à son tour Ronsard quelques siècles plus tard. Si le propos vise davantage, dans les deux cas, à résister à la fuite du temps qu’à combattre son étirement, cette leçon épicurienne pourra peut-être ne pas être sans résonance avec une expérience de vie qui réévalue notre perception du temps.

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Étape 1 - Découvrir le CARPE DIEM et sa postérité littéraire

Introduire les premiers repères d’Histoire Littéraire

La séquence d’étude qui introduit les repères culturels de cette notion et montre comment les poètes de la Renaissance se la sont appropriée pourra se faire grâce aux ressources que l’on trouve sur le site institutionnel : « ma classe à la maison ». La séquence « Vivre pour aimer », que l’on trouve en semaine 1 du programme de seconde, peut être librement téléchargée sur le site du CNED.

Le site du CNED propose quatre séances d’une heure chacune pour replacer la philosophie du Carpe Diem dans son histoire littéraire :

L’organisation de classes virtuelles pourra en accompagner l’étude.

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Mettre en voix un poème

Dans un deuxième temps, on proposera aux élèves une appropriation intime de ce thème par la lecture et la découverte de sa postérité littéraire.

On sélectionne sur le site Pœtica « Pœtica, des poèmes d’avenir, du présent, du passé… » le thème du « Carpe Diem » qui propose 27 poèmes du XVIème au XXIème siècle sur ce motif épicurien et l’on invite les élèves de la classe à sélectionner, parmi ces propositions, un poème de leur choix.

Pour donner corps à leur lecture et les aider à s’interroger sur l’atmosphère du poème qu’ils souhaitent lire, on leur propose de choisir sur le site gratuit de la sonothèque un fond sonore qui traduit pour eux l’atmosphère de leur texte. Ce « tapis sonore » leur permet d’ajuster la tonalité de leur voix, de ralentir le tempo de leur lecture et d’investir l’émotion sous-jacente qu’ils décèlent dans le texte. Il s’agit tout autant d’un exercice de mise en voix que d’interprétation du texte.

Pour réaliser ce montage, on pourra se servir du logiciel Audacity, libre de droits, dont la prise en main se fait sans difficulté.

Quelques productions d’élèves
Réalisation de Marie
Réalisation d’Axel
Réalisation de Thomas

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Étape 2 - Entre concrétion imageante et interprétation symbolique

Construire les premiers repères d’une analyse linéaire.

À l’issue de cet exercice de lecture expressive, on invite les élèves à justifier leurs choix, voire à proposer une première ébauche d’analyse linéaire sur un blog que l’on partage avec toute la classe.

Les billets du blog témoignent d’une appropriation progressive de la dimension symbolique des textes lus.

  • Certains élèves s’en tiennent à une « concrétion imageante » dans la mesure où le choix du tapis sonore ne vise qu’à illustrer les éléments référentiels du poème.

(Textes d’élèves non corrigés)

En lisant ce poème je me suis imaginé un paysage avec en premier plan un homme qui parle à une jolie fleur blanche. En arrière plan un paysage très naturel et sauvage.
J’ai sélectionné le bruitage « cerisiers en fleur et chèvres » où l’on entend des abeilles, le vent, les petites cloches d’un troupeau de chèvres, le chant des oiseaux.

  • D’autres élèves se servent, quant à eux, de l’évocation sonore pour mettre en mots une dimension symbolique du texte.

J’ai choisi pour ce deuxième mouvement le fond sonore de quelqu’un qui court afin de représenter la femme qui court à la recherche de sa beauté qui s’envole petit à petit car cette beauté est éphémère et afin de renforcer l’idée de profiter du moment présent.

J’ai choisi ce son pour le poème car j’ai trouvé que le son était doux calme et que la foret rappelle les beaux jours, la voiture qui passe à grande vitesse me rappelle la journée qui passe vite.

J’ai choisi une musique qui représente les bruits que l’on peut entendre quand nous sommes à la campagne et qui sont reposants. Je trouve que cela correspond parfaitement avec l’idée du poème selon moi car je le vois un peu comme une morale qui nous parle de l’amour, quelques chose de très naturel. En effet l’amour n’a rien d’artificiel et n’est souvent pas contrôlé comme la nature que nous ne contrôlons pas.

  • D’autres encore élaborent une première ébauche d’analyse littéraire guidée par les variations sonores qu’ils proposent pour la lecture de leur poème.

À une fleur d’Alfred de Musset

Le moment de découverte
J’ai pris au départ un son de forêt, car le poème reflète la fleur, dans les deux premiers vers, avec beaucoup de métaphores : « Sous ce cachet enveloppée ». Comme si elle cachait quelque chose de secret. Ensuite, vers la fin du 6e vers, on voit subitement la tristesse de la fleur : « Qui sur le buisson t’a coupée ? ». 
Là commence le moment de tristesse.
J’ai donc mis un son de tonnerre jusqu’à la fin du 11e vers, donc, jusqu’à ce que l’auteur redonne un côté positif à elle : « Ou ton sein prêt à refleurir ». Depuis, j’ai remis le son calme de la forêt, pendant qu’on constate son malheur, qu’on décrit ses beautés, et qu’on essaye de parler la fleur, de lui remonter le moral. Pourtant, elle reste discrète, on ne la comprend pas « Ta verdure est-elle un secret ? ». Après cela, elle se repose, « Dors sur mon cœur fraîche et légère » vers 24.
Et là commence le moment où la fleur nous fait confiance, on acquiert son amour : « Je connais trop bien cette main, / pleine de grâce et de caprice » vers 25 & 26. Puis on fait référence à deux sculpteurs grecs, qui ne se servent que de Vénus pour représenter l’amour : « Qu’en prenant Vénus pour modèle. » vers 30, alors qu’ils auraient bien pu utiliser « l’amour » qui se passe maintenant. J’ai donc mis une musique classique avec du violon « Ravel : Sonate » de Renaud Capuçon, Lahav Shani et Yan Maresz, qui fait penser à l’au-delà, une autre dimension, harmonieuse et paradisiaque.
On vante sa beauté « Elle est blanche, elle est douce et belle », vers 30, et ce qu’elle a à l’intérieur, qui est riche : « Elle peut ouvrir un trésor » vers 33.
Enfin, cette folle aventure est en réalité très risquée, dans le 34e vers « Mais elle est sage, elle est sévère », on parle probablement de Vénus, la déesse de l’amour, qui peut tout rendre merveilleux, ou bien tout ruiner. Ce dernier est justement prononcé : « Quelque mal pourrait m’arriver » vers 35. Enfin avec « Ne dis rien, laisse-moi rêver. » vers 37, on pourrait penser que l’amour fou n’est qu’un rêve.

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Étape 3 - Ecrire son Carpe Diem pour mieux vivre son confinement

Pour « conserver une trace de leur rencontre avec les œuvres et des événements liés à leur parcours de formation culturelle » [1], on propose aux élèves de clore cette séquence par un atelier d’écriture sur le motif du Carpe diem en période de confinement.

On s’inspire pour cela de la séance intitulée « en route pour le monde de l’écriture à partir de Seî Shonagon, tenir un carnet » pour mettre à disposition des élèves un ensemble de propositions d’écriture, sur le modèle de l’atelier de François Bon, et en lien avec l’expérience du confinement.

Les élèves réfléchissent à chacune de ces propositions ….

Choses qui ne font que passer
Choses que je risque de regretter
Choses qui me donnent envie de profiter du temps présent
Choses qui me plaisent aujourd’hui
Choses qui paraissent agréables

… qu’ils partagent ensuite librement sur Edupad, le logiciel d’écriture collaborative de l’académie de Versailles :

À partir de ces propositions, chacun compose et rédige son texte :

Textes d’élèves non corrigés

Textes d’élèves non corrigés

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