Compte-rendu de la conférence de Cyril Delhay Musée de l’Homme - 3 octobre 2019

, par BERNOLLE Marie-Anne, Chargée de mission pour l’Inspection de Lettres

Notes prises et mises à disposition par Mélanie Genevois.

Le rapport

Les points essentiels soulignés par le rapport

À retenir

  • 1. L’oral et son enseignement doivent être un vecteur d’égalité sociale.
    Il s’agit de développer un enseignement destiné à tous les élèves qui ne doit en aucun cas être une pratique élitaire.
  • 2. L’oral doit accompagner l’enseignement de tous les savoirs.
    La dimension orale doit être développée hors des disciplines strictement littéraires.
    Il s’agit donc d’une réflexion qui se veut triplement générale, en visant un oral qui concerne : tous les élèves ; tous les niveaux ; et aussi toutes les disciplines.
  • 3. L’oral doit être travaillé dans ses caractéristiques propres et ne pas devenir un simple « écrit oralisé ».
    La dimension orale suppose une pédagogie qui permette la « prise de risque », la participation, l’exposition devant les autres, par une forme de bienveillance, de confiance. Le corps joue un rôle important qu’il faut considérer et apprendre à travailler notamment lors de cours d’EPS (le souffle, la posture, etc.).

« Le moment délicat du collège »

  • La prise de parole au sein d’un groupe choisi est sans doute à privilégier.
  • Des jeux de rôle sont également intéressants puisque l’élève est en situation très sensible : ils offrent à l’apprenant un espace à la fois protégé et cadré mais suffisamment ouvert pour s’exposer, prendre des risques et progresser.

L’importance d’un corpus et d’un parcours de compétences

  • Il sera profitable de mettre en place, de façon explicite, un corpus de supports au service de l’oral depuis l’école primaire, et enrichi dans chaque discipline au collège et au lycée.
  • Articulé à ce corpus, un parcours de compétences permettra de faire de l’oral un véritable levier d’égalité des chances et enrichira considérablement les pratiques d’enseignement, en renforçant les pédagogies actives, en favorisant le plaisir d’apprendre, et en améliorant le climat scolaire.

Le Grand Oral

Nous rappelons qu’il ne s’agit là que des préconisations de Cyril Delhay. Les modalités définitives de l’examen ne sont pas encore établies.

Ses principes

  • Le sujet peut être en lien avec un projet d’études supérieures et une potentielle orientation professionnelle.
  • Le candidat donne un titre à sa prestation sous la forme d’une question.
  • Le propos, nourri par le corpus d’une ou plusieurs disciplines, et principalement par une discipline de spécialité suivie durant l’année de terminale sur un thème du programme du cycle terminal, est mûri durant toute l’année scolaire, avec des entraînements devant la classe.
  • Le jury est composé de deux membres représentant chacun une discipline ou une posture professionnelle différente.

Contenu et déroulement de l’épreuve

L’oral est lié aux enseignements de spécialité et doit permettre à l’élève de s’exprimer en tant qu’individu ; d’exprimer en quoi ce dont il parle le touche, l’intéresse, engage son regard sur le monde, et de préciser en quoi le sujet participe de son projet vers l’enseignement supérieur.

  • Présentation initiale du sujet (5 min)
    Cette partie se caractérise par le fait qu’elle est réalisée sans support, sans note, debout devant le jury. Il s’agit de se placer dans une situation où l’oral seul est le vecteur du message, sans éléments perturbateurs. (Le candidat remet tout de même un recto simple au jury afin qu’il puisse le relancer en cas de besoin).
  • Dialogue avec le jury (10 min)
    Cette partie permet au jury de faire appel aux connaissances de l’élève, mais aussi à sa curiosité, à ses motivations. La présence d’un membre du jury qui n’enseigne pas la spécialité du candidat permet d’ouvrir le dialogue à des sujets non étroitement techniques.
  • Revenir sur sa réflexion et proposer une pensée en acte (5 min)
    Le jury relance le candidat avec une nouvelle question suscitée par son propos et lui demande de développer sa réponse après un petit temps de préparation. Il s’agit de développer un exemple, une application, une mise en situation, etc. Il permet d’évaluer la capacité du candidat à « rebondir » et à créer de nouveaux développements à partir de l’horizon posé par son sujet.

Considérations et préconisations

  • Le grand oral pourrait être préparé dès la 1ère avec un panel d’élèves.
  • Le professeur de spécialité en charge de la préparation du grand oral : il est recommandé que l’épreuve orale fasse partie du contrôle continu de l’année de terminale en spécialité ; il pourrait être utile qu’une heure au minimum, sur les six heures hebdomadaires de spécialité, soit fléchée pour sa préparation.
  • Les élèves gagneraient à s’entraîner devant leur classe : travailler en classe inversée au 3e trimestre pour préparer les élèves à l’enseignement supérieur.

Pour une éducation à l’oral

L’idée : déployer une éducation à l’oral à tous les niveaux d’enseignement dans le cadre du projet d’établissement.

Le référent oral

On pourrait imaginer un référent oral qui impulse des projets :
« Dans chaque établissement du second degré, il serait bon que des référents volontaires de l’oral soient identifiables à chaque niveau d’enseignement. Ils auraient la charge de coordonner les projets de l’établissement en matière d’oral et leur progressivité tout au long du cursus en veillant à fédérer les talents et les énergies.
La pluralité des référents (professeurs principaux, documentalistes, conseillers principaux d’éducation, etc.) aidera à la diversité et à la richesse des projets. »

Des temps forts

On pourrait imaginer deux temps forts par an :
« En outre, un engagement pédagogique fort serait de dédier, chaque année de la scolarité, deux fois deux demi-journées à une mise en pratique concrète de l’oral :

  • d’abord en période de rentrée scolaire
  • puis à nouveau plus tard ‒ au début du deuxième ou du troisième trimestre par exemple et selon le moment opportun décidé par les équipes pédagogiques.

Une telle activité ritualisée contribuera de façon décisive à son implantation dans le paysage éducatif. » Cela permet de réels bénéfices pour le climat de la classe.

La conférence

Préambule

Le parcours de Cyril Delhay
Ancien étudiant à Sciences po, ancien professeur d’histoire géographie à la Courneuve, professeur à Sciences Po, responsable du lien entre Sciences Po et l’éducation prioritaire. En tant qu’élève il était déçu de constater qu’il n’y avait pas d’enseignement de l’oral. Il a aussi fait du théâtre, a fait l’école J. Lecoq.

Origines de sa réflexion
Sa réflexion lui est venue de la lecture de Quintilien. Ce dernier y rapporte les discours de Démosthène, comment l’orateur a appris à parler avec des cailloux dans la bouche, comment il faisait des exercices physiques.
Selon Cyril Delhay, il faut partir du corps. Les techniques de l’acteur sont identiques à celles de l’orateur.

Ouvrages recommandés

  • Hervé Biju-Duval, Cyril Delhay, Tous orateurs !, convaincre – négocier - s’affirmer au quotidien, Eyrolles
  • Cyril Delhay, L’art de la parole, Dalloz
  • Cyril Delhay, Parler en public, principes et méthodes, Dalloz

Quelles compétences mises en œuvre pour les élèves ?

Tout au long des trois phases de l’épreuve, le jury évalue trois compétences fondamentales :

  • parler debout devant les autres en respectant le temps imparti, sans notes ;
    [Prise en compte du corps, de la maîtrise de la voix, du charisme, de la pertinence du contenu]
  • soutenir un propos exact, clair et pertinent ;
  • être en interaction avec l’auditoire (le jury).
    Cf. tableau avec 43 items : « compétences de l’orateur » (tableau présenté à la fin du rapport)

On peut demander aux enfants d’établir eux-mêmes une grille de compétences. Il est rapporté l’exemple de la stagiaire professeur des écoles qui a constaté que ses élèves, en début d’année, mentionnaient en critère « ne pas gigoter » pour l’enlever lorsque c’est devenu évident et le remplacer par « insérer une accroche ».

Indicateurs de réussite :
Pour une évaluation entre pairs, proposer que l’un soit le coach de l’autre : « tableau des compétences oratoires fondamentales »

Les gestes des professeurs à l’oral

1ère étape : ancrage et respiration

  • Par où débuter les entraînements ?
    Bien montrer que cela commence déjà par le fait d’être vertical, de travailler les points d’appui, la coordination, le regard. Leur faire fixer des points dans l’auditoire afin de leur faire travailler l’équilibre.
  • Le rôle stratégique de l’EPS
    Le plus utile, c’est de partir de la pratique sportive de la personne. Leur demander de faire le geste qu’ils font dans leur sport en lançant d’abord une balle, puis un mot. Ainsi la personne trouve la coordination, les points d’ancrage qui lui manquaient.
  • L’importance de la mémoire motrice procédurale
    Il faut avoir conscience de l’importance de la mémoire motrice procédurale. Une fois que c’est intégré, c’est fluide ; on n’a plus besoin de penser à bien respirer, etc.
    Travailler cela à 15/20 pers. En 2 ou 3 demi-journées. Puis s’entraîner quotidiennement.
    Et on sait parler en public.

Les étapes suivantes peuvent être travaillées en classe entière, même en lycée.

Travailler la conscience corporelle

  • Un exemple. Travailler la conscience corporelle en ayant les mêmes appuis qu’Obama après leur avoir montré l’un de ses discours : il a le corps coordonné et musical.
  • Le rôle stratégique des S.V.T.

La gestion du stress

Il y a un équilibre idéal entre stress et performance.
Cf : Sarah Bernhard répondant à une jeune comédienne qui lui disait ne pas être stressée : « Ne vous inquiétez pas, cela viendra avec le talent ».

Deux vidéos produites par l’Université de Médecine de Lyon peuvent s’avérer utiles :

Faire faire des exercices de cohérence cardiaque.

La voix

  • On apprend à parler en répétant la ligne mélodique de notre entourage. La voix relève de l’acquis. Elle peut donc se modifier ; on peut la travailler. La voix humaine est comme un instrument à corde. On peut travailler la détente des résonateurs, de la bouche, des lèvres ; et apprendre à le faire.
  • On peut par exemple faire travailler les différentes voix entre une posture avec la tête plus en avant, en arrière,…
    La parole doit également prendre en compte le rythme, les silences de la musique : Prendre le discours de M. Luther King : dans un discours il y a comme dans une chanson des refrains, des couplets,… Bien penser également que le geste aide la parole.

séquences pédagogiques

Les incontournables

Ces séquences doivent comprendre l’apprentissage de la maîtrise des quatre thèmes suivants :

  • Avoir conscience de sa respiration. (1 h)
    Respiration haute ; apnée ; respiration abdominale et costo-diaphragmatique (le rôle du diaphragme).
  • Comprendre et gérer son stress par la respiration. (2 h)
    Les symptômes du stress ; le rôle du système neurovégétatif sympathique et parasympathique ; la respiration guidée ou la cohérence cardiaque.
    À l’école primaire, les premiers résultats de l’expérimentation menée sur ce thème dans l’académie de Poitiers viennent à point nommé pour envisager une diffusion nationale.
  • La formation de la voix. Les cordes vocales et les résonateurs. (2 h)
    Le souffle ; le corps humain comme instrument à corde ; prendre soin de sa voix et de ses organes vocaux.
  • Introduction aux neurones miroirs (« système miroir »). (2 h)
    Le système miroir implique que des mêmes neurones sont stimulés que l’on fasse une action ou qu’on la voie faire par un congénère ou même simplement esquissée par un geste porteur de l’intention, ou encore que l’on voie l’expression d’une émotion ou qu’on la ressente soi-même.

Pistes de réflexion et de mise en œuvre

  • L’enseignement de l’art de la parole comme l’analyse des discours publics suggèrent de surcroît que l’alignement corporel aide l’ajustement du propos alors qu’un corps insuffisamment coordonné accentue le risque d’une parole qui flanche. Les neurosciences et la connaissance des neurones miroirs pourraient conforter ce que suggèrent ainsi les leçons de l’expérience, à savoir que l’engagement physique et vocal, le regard et la gestuelle aident du côté de celui qui parle, à la conception, à la formulation et à l’énonciation.
  • Recourir aux outils numériques pour favoriser l’entraînement personnel.
  • Travailler sans notes : il faut que l’élève fasse l’expérience de parler sans notes. Car avec des notes, on perd l’oralité.

Partager

Imprimer cette page (impression du contenu de la page)