Paru aux éditions Parigramme en mars 2014, l’ouvrage de Laurence Gauthier et Jacqueline Zorlu PARIS EN LATIN est précieux. Ces deux professeures de latin ne se contentent pas de satisfaire la curiosité du promeneur qui arpente les rues de la capitale, mais elles nous offrent un large éventail de pistes pour réveiller nos cours au collège et au lycée - non, le latin ne sera pas rangé aux oubliettes !
Regroupées en cinq grands quartiers, 88 inscriptions sont ainsi expliquées : de quoi compléter ou renouveler nos supports épigraphiques ; certaines sont insolites comme ce vitrail d’un cabaret ou la signature d’un artiste urbain. Tous les lieux cités sont énumérés dans le sommaire. Une bibliographie complète l’ensemble.
Chaque inscription est accompagnée d’une traduction précise et commentée que l’on peut simplement reprendre avec les élèves à des fins culturelles, historiques, grammaticales ou lexicales.
On peut aussi mesurer la place et le rôle du latin à travers les siècles : « passage du culte des druides à celui de Jupiter » sur le pilier des Nautes du parking Saint-Michel, glorification de Dieu, célébration de la connaissance, des hommes d’esprit, des hommes de pouvoir et de leurs victoires,... Le titre qui suit directement le nom du monument propose souvent une orientation dans ce sens et permet de faire vivre le monument à travers le texte latin. Pour les inscriptions récentes, on s’interrogera volontiers sur le choix de la langue antique comme pour cette plaque commémorative déposée en 1996 à l’Institut historique allemand. Et pourquoi des étudiants ont-ils donc redessiné un cave canem rue Saint-Jacques ?
De même, on peut s’attacher aux disciplines imprégnées de latin, par exemple la langue et la culture dans un lycée parisien, à la Sorbonne ou au Collège de France, la botanique au Jardin des Plantes, le droit au Palais de justice ou d’autres encore à l’entrée de l’amphithéâtre des chirurgiens, à l’école nationale supérieure des Beaux-arts...
Pourquoi ne pas préparer un voyage à Rome en se familiarisant avec les inscriptions épigraphiques et en recherchant des points communs entre les deux capitales comme les catacombes, les fontaines, le Panthéon ou encore la louve romaine de Cluny, laquelle célèbre justement l’unique jumelage entre Paris et Rome ?
Avec les lycéens, d’autres pistes s’ouvrent, le dernier chapitre qui propose des parcours thématiques y pourvoie : le latin des cadrans solaires ou des cimetières en complément des inscriptions relevées dans les catacombes préparera la réflexion sur les questions philosophiques en classe de terminale. Les enseignes commerciales facilement abordables en collège peuvent être complétées au lycée par l’analyse des inscriptions de l’hôtel de la monnaie qui reprennent les quatre éléments cosmologiques pour le compte de l’industrie monétaire, à l’image de l’expansion économique du XVIIIe siècle.
Rien n’empêche une étude plus approfondie de la langue. Ainsi, la seule position du quodcumque de la devise de la chambre des notaires révèle la spécificité du notariat français et la polysémie de serenas éclaire la subtilité de la devise portée sur le canon du Jardin du Palais-Royal. On peut même corriger la traduction infidèle qui se trouve à la base de l’obélisque de la Concorde (côté est et ouest) et retracer « les péripéties diplomatiques et techniques qui ont entouré [son] arrivée en France ». Si l’on s’interroge sur les origines de la Fontaine de la Halle aux blés, seule latine apportera une réponse. Les élèves ne résisteront pas au plaisir d’aborder ces textes souvent courts mais qui mettent à l’épreuve leur sagacité.
Enfin, le cours de français au lycée n’est pas en reste : l’humanisme survit avec sa devise à l’entrée de la Cité universitaire, les biographies de Pascal et Racine prennent un autre relief à l’église Saint-Etienne-du Mont, l’idéal des Lumières est à l’honneur à l’hôtel de Lamoignon, la légende napoléonienne s’inscrit au pied de la colonne Vendôme et la question de l’homme reste entière sur les cadrans solaires et au fond des catacombes.
Ce petit livre qui confirme que le latin est bien vivant saura vivifier nos cours !