De la lecture à l’écriture numérique Projet conduit par Aurélie GELLÉ et Ariane BACH

, par BACH Ariane, Lycée Jean-Jacques Rousseau, Sarcelles

Constat de départ :

Les pratiques de lecture et d’écriture évoluent avec le numérique. Il est intéressant de se demander dans quelle mesure cet outil favorise l’appropriation des savoirs par les élèves, mais également en quoi il est un objet d’étude en soi. C’est pourquoi nous avons décidé de faire lire une œuvre numérique à nos élèves, et de leur en faire créer une à leur tour, en utilisant la tablette comme outil de lecture et d’écriture.

Le projet a été conduit au sein de deux classes de Seconde, comme perspective à l’étude du roman et de la nouvelle au XIX° siècle. Les Instructions Officielles préconisent en effet d’offrir aux élèves une ouverture sur l’évolution du genre romanesque, ce que l’oeuvre contemporaine abordée au cours de ce projet permet. On notera que la plupart des élèves étaient peu enclins à la lecture habituellement. C’est pourquoi les enseignantes ont décidé de mener cette expérience, en pariant sur l’attractivité de la lecture sur tablettes.
Les enseignantes se sont appuyées sur l’opération #100bibs50epubs lancée par François Bon, qui a ouvert une partie du fonds de sa maison d’édition Publie.net à des institutions publiques (bibliothèques, établissements scolaires...), afin de promouvoir la littérature numérique et de populariser la lecture sur tablettes.

Objectifs

1 Découvrir la littérature numérique : de l’histoire du livre à l’œuvre de Juliette Mézenc, Sujets sensibles

Le premier temps a consisté à réfléchir à l’évolution du livre, du papier au numérique, grâce à l’exposition numérique de la BNF l’aventure du livre. Afin qu’ils s’approprient cette histoire du livre, on a demandé aux élèves d’explorer le site et de créer un questionnaire à destination de leurs camarades ; ils ont alors pu s’interroger mutuellement sur leurs découvertes. Le second temps s’est construit autour de l’œuvre de Juliette Mézenc : Sujets sensibles. Les élèves ont été invités à lire le livre numérique sur tablettes, en classe et à la maison.
Dans ce texte, l’auteur s’inspire de son expérience d’enseignante dans un lycée dit « sensible », et recueille par bribes le témoignage de 10 élèves, qu’elle émaille de réflexions personnelles, insérées en italiques, sans autre signalement du changement de système d’énonciation. Elle enrichit son œuvre d’hyperliens ou de copier-coller d’articles faisant écho au témoignage qu’elle retranscrit. Le contrepoint de voix, ainsi que l’enrichissement hypertextuel rendent le texte polyphonique, ce qui constitue l’originalité mais aussi la complexité de l’oeuvre Sujets sensibles.

2 Rencontrer un auteur : l’écrivain est dans la classe

Les élèves ont rencontré deux fois l’auteur grâce à un partenariat mis en place avec la Maison des écrivains. Cela a été un moment fort et fédérateur. Il a consisté en une discussion libre au cours de laquelle le système d’énonciation particulier de l’œuvre de Juliette Mézenc a été éclairé : l’auteur a expliqué comment la retranscription des témoignages de ses élèves lui avait inspiré des réflexions personnelles, qu’elle avait choisi d’insérer en italiques.

On a demandé aux élèves de ne prendre en note que ce qu’ils souhaitaient retenir de la rencontre avec l’écrivain. Ils ont ensuite été invités à construire un compte-rendu collectif sur Etherpad (logiciel d’écriture collaborative) mettant ainsi en commun les différents aspects de la rencontre. Ils ont ainsi pu compléter leur prise de note partielle au départ grâce à ce travail collectif.

3 Créer une œuvre numérique :

La tâche finale demandée aux élèves était de réaliser un livre numérique. En réutilisant la technique de travail de Juliette Mézenc, les élèves ont écrit des textes qu’ils ont ensuite mis en forme sous l’application iBooks author, ou Calameo, ce qui les a amenés à s’interroger sur la valeur ajoutée que le numérique apportait à leur texte.

  • La consigne d’écriture :
    A l’issue de la première rencontre, Juliette leur a demandé de collecter le témoignage d’une personne de leur choix, tout en gardant son anonymat, avec pour consigne de ne pas prendre en note toute l’interview mais de ne retenir que les phrases ou les expressions qui faisaient écho en eux, qui résonnaient.
  • L’atelier d’écriture :
    A l’intérieur des témoignages ainsi collectés, les élèves ont été incités à faire intervenir leurs propres réflexions, pensées ou évocations – en italiques donc, pour reproduire le système d’énonciation de Juliette Mézenc.
  • La finalisation numérique :
    Dans un dernier temps, les élèves ont complété leurs textes avec des images, des hyperliens, des insertions audio et vidéo pour ajouter une dimension véritablement numérique et multimédia aux textes. Cela a été l’occasion de s’interroger sur le statut de ces insertions : étaient-elles illustratives, informatives, complémentaires, d’une autre nature encore ?

Les productions des élèves

Livre des Secondes 4 :

Livre des Secondes 9 :
Version PDF :

Version Ebook pour tablette : https://www.dropbox.com/s/eokbj2iyvi995g2/SujetsSensibles2nde9.ibooks

Bilan et perspectives

  • De la tablette d’argile à la tablette numérique :
    Les élèves ont pu découvrir l’histoire du livre : grâce à l’exposition numérique de la BNF, les élèves ont pu prendre conscience de l’évolution des supports du livre (Tablettes d’argile, papyrus, parchemin, papier, imprimerie...) jusqu’à la tablette numérique.
  • Séduction de l’outil : ruptures et continuité  
    Ils ont également découvert la littérature numérique. Les élèves ont été tout d’abord séduits par le support de lecture et l’aspect multimédia du texte. L’activité numérique leur a paru en opposition avec les lectures scolaires traditionnelles sur papier. Malgré l’apparente rupture provoquée par le support, les enseignantes ont eut à cœur de montrer aux élèves que le fond du propos de Juliette Mézenc s’inscrivait dans un héritage littéraire, tout en utilisant les potentialités numériques pour enrichir le texte de nouvelles dimensions.
    Ce projet leur a en outre permis de comprendre une situation d’énonciation complexe par la pratique : en se confrontant eux-mêmes à la co-présence de deux énonciateurs distincts dans le texte, ils ont acquis une plus grande acuité en tant que lecteurs.
  • Nouveaux supports, nouveaux lecteurs ?
    Les élèves ont adhéré à la lecture sur tablettes immédiatement. Après les avoir interrogés sur les raisons de cet engouement, ils ont déclaré que le geste de lecture leur paraissait pus proche de leurs usages quotidiens (smartphone, tablette, ordinateur...)
  • « Ces jeunes gens qui attendent toujours de l’écrivain qu’il dise enfin ce qu’il dérobe » (Lettre à Antonio Lobo Antunes, de J.C Pirotte)
    La rencontre avec l’auteur a été particulièrement motivante pour des élèves peu enclins à la lecture habituellement. Ils ont été très désireux de tirer le meilleur parti possible de cette rencontre et de se montrer à la hauteur des attentes de Juliette Mézenc.
  • Technologie et liberté :
    La tablette s’est avérée être un outil très complet, permettant à la fois la lecture, l’écriture et le stockage des données via un cloud, de sorte que l’on peut les retrouver ultérieurement depuis n’importe quelle interface. Les enseignantes souhaitent donner suite à cette expérience dans le cadre de leur enseignement en classe.

Outils numériques utilisés

  • iPads, tablettes numériques
  • Logiciels de traitement de texte pour tablettes
  • Utilisation de l’espace de stockage OwnCloud de l’Académie de Versailles
  • Fonction dictaphone/ appareil photo de smartphones
  • Ibooks Author et Calameopour réaliser l’ebook.
  • Etherpad (Académie de Versailles) pour l’écriture collaborative.

Feuille de route

  • Avril 2013 : déclaration de participation à l’opération #100bibs50epubs initiée par François Bon, avec sa maison d’édition Publie.netet le CNL, qui met à disposition un certain nombre d’ouvrages de sa maison d’édition.
  • Juin 2013 : demande d’un prêt de tablettes auprès de CREATICE pour le printemps 2014
  • Juin 2013 : demande d’une classe PEAC auprès de la DAAC Versailles, afin de financer la venue de l’écrivain
  • Décembre : achat d’autres tablettes par le lycée Jean-Jacques Rousseau
  • Janvier-février 2014 : mise en place de la collaboration avec Juliette Mézenc, grâce à la Maison des Écrivains.
  • Mars 2014 : interventions de l’auteur en classe.
  • Avril-juin 2014 : finalisation des livres numériques et mise en ligne sur le site du lycée Jean-Jacques ROUSSEAU (Sarcelles).

Voir en ligne : Article de Juliette Mézenc sur sa rencontre avec les élèves de sarcelles

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