Améliorer l’écrit par un travail en partenariat Aurélie GELLÉ, Ariane BACH, Amélie BEAUFOUR, lycée Jean-Jacques ROUSSEAU, Sarcelles

, par BACH Ariane, Lycée Jean-Jacques Rousseau, Sarcelles

Cet article renvoie à des programmes qui ne sont plus d’actualité ; néanmoins, les démarches pédagogiques évoquées conservent tout leur intérêt.

Écrire dans le cadre d’un projet partenarial : rendre compte, commenter, créer.
Partenariat du lycée Jean-Jacques Rousseau (Sarcelles) avec le Théâtre Gérard Philipe (Saint-Denis)

Le partenariat annuel des élèves de Première ES du lycée Jean-Jacques Rousseau, avec le Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis, les a incités à écrire de très nombreux textes au cours de l’année, et a conduit les encadrants (les professeurs, et la journaliste Joëlle Gayot) à multiplier les situations d’écriture. Les élèves se retrouvaient 2 heures par semaine, dans le cadre de l’Accompagnement Personnalisé. Les différents types d’écrit demandés ont évolué en cours d’année, de l’écrit scolaire au début, jusqu’à l’écrit de création en fin de parcours, soulignant leur prise d’autonomie et de confiance vis à vis de l’écrit.

1. La critique, une forme libre de commentaire

Lors des premières séances, Joëlle Gayot (journaliste à France Culture) a décomposé les grandes étapes d’une critique de spectacle : un résumé de l’intrigue, quelques éléments de la mise en scène (décor, costumes...), un point de vue personnel, et les informations sur la pièce (lieu, horaire, nom des acteurs, du metteur en scène...)

  • Un premier exemple de texte d’élève, répondant à toutes les contraintes, mais ne s’étant pas approprié la démarche critique :

LES SERMENTS INDISCRETS

Cette pièce de Marivaux, dont les personnages principaux sont Damis et Lucile évoque un mariage forcé, arrangé par Ergaste (le père de Damis) et Orgon (le père de Lucile). Les deux ne se laissent pas faire, ils montrent leur colère et leur désaccord, mais au final finissent par montrer l’amour qu’ils ressentent l’un pour l’autre, depuis que Phénice la sœur de Lucile, tend un piège à Damis afin de voir si il est attiré par cette dernière. Les domestiques Lisette et Frontin s’en mêlent et tombent même amoureux…

Pour ce qui est du décor, il y avait des chandeliers suspendus dans l’air, des bougies au sol, des pages de livres au sol, des livres, une table, un tapis, des chaises et des voiles. Pour les costumes, ils n’étaient pas vraiment terminés mais très originaux. Lucile portait une robe de mariée avec un pantalon noir en-dessous, Damis portait une veste de couleur violette assez foncée, un pantalon gris et des petites bottines noires, Lisette portait une jupe blanche, des petites bottines, une veste grise et un débardeur noir, Phénice portait un bustier de mariée, avec un jean bleu et des chaussures marron, Frontin portait une chemise blanche, un pantalon de costume noir, une jaquette grise et blanche et des chaussures noires, et enfin Ergaste et Orgon portaient une chemise blanche rangée dans un pantalon noir et un long manteau couleur kaki et jaune foncé, avec des manches assez larges…

Cécile Garcia-Fogel joue le rôle de Lucile, Pierre-François Garel joue le rôle de Damis, Marc Susini joue le rôle d’Ergaste, Alain Trétout joue le rôle d’Orgon, Sabrina Kouroughli joue le rôle de Phénice, Hélène Schwaller joue le rôle de Lisette, Marc Chouppard joue le rôle de Frontin.

Cette pièce était très sympathique, amusante et magique ! Le décor était très beau, les différents éléments étaient très bien placés. Les personnages jouaient très bien et le fait que les costumes ne soient pas terminés était très original. C’était une très belle représentation !

Texte de Yéléna

  • On constate que l’élève a bien traité tous les aspects attendus : intrigue, costumes/décor, point de vue et informations. Néanmoins son écriture reste naïve, et malgré l’apparent respect de la consigne, le dernier paragraphe n’engage aucune posture critique.

Au fur et à mesure du parcours, les élèves se sont progressivement rendu compte que la critique journalistique était un espace ouvert, qu’ils pouvaient investir de leur point de vue dès les premières lignes. L’évocation des costumes ou d’éléments de décor n’est pas purement informative, mais peut d’ores et déjà porter une dimension critique, dans le choix des mots et des images.

  • Un deuxième exemple de texte d’élève qui exprime de façon amusante son avis négatif sur une autre pièce : Whisling Psyché, de Sebastian Barry.

Bonjour à tous,

le soleil continuera à frapper sur Les Serments indiscrets dans l’ensemble du théâtre, accompagné d’un léger vent de douceur sur Pierre-François Garel. Mais cette accalmie de la dramaturge Leslie Six ne durera pas longtemps, car en début de semaine prochaine, les anciennes perturbations qui provenaient de Whistling Psyché feront s’abattre sur Le retour d’Ulysse dans sa patrie un orage qui arrosera copieusement les spectateurs.
Parlons un peu plus des perturbations d’il y a une semaine, qui ont paralysé le trafic du théâtre à Whisling Psyché.

La mise en scène anticyclonique a plongé tout le monde dans le brouillard et a eu l’impact d’une giboulée sur l’ensemble de la pièce. L’écriture trop technique et le jeu trop superficiel ne sont pas sortis gagnants de cette expérience, ce qui s’est tout de suite ressenti dans l’atmosphère de la salle, qui était glaciale. L’absence de couleurs dans la mise en scène et le texte pas assez amusant, n’ont pas permis au nuage qui se trouvait au dessus de Catherine Hiegel et de Juliette Plumecocq-Mech, de circuler, ce qui a engendré une forte averse. Les jeunes élèves n’ont pas adhéré à cette pièce et sont tombés dans une dépression quasi tropicale !

Demain matin les rafales de vent atteindront plus de 60km/H et un tsunami frappera les Iles Dorothée. De l’autre coté de l’hexagone, nous pourrons remercier les mers Christophe Raukiennes qui conserveront un temps sec et lumineux sur l’ensemble du TGP.

Demain soir vous pourrez apercevoir une pluie d’étoiles filantes sur J’ai couru comme dans un rêve, en attendant nous fêterons les Joëlle (Clin d’œil).

Texte de Laurène

  • Ici on constate que l’élève exprime fortement son avis en choisissant de détourner le vocabulaire du bulletin météo. Tous les éléments attendus sont bien présents, mais librement organisés par l’élève, au gré de son inspiration, dans un style fluide et personnel. Tous ces textes étaient destinés à être lus sur la scène du Théâtre Gérard Philipe lors d’une première représentation publique en janvier.

2. Vers l’écriture de création

  • Suite à cette première représentation des élèves, Joëlle Gayot (France Culture) leur a demandés de rédiger une texte, cette fois non pas sur un spectacle vu mais sur leur propre expérience de la scène. La phrase de départ était la même pour tous : « J’entends Yazid frapper les trois coups... ».
    On constate dans nombres de ces textes une appropriation spontanée du vocabulaire du théâtre et une recherche d’images visant à retranscrire l’intensité de l’émotion ressentie sur scène. L’exemple du texte de Yazid, l’auteur des trois coups, est à ce titre intéressant.

À partir de là, les encadrants orientent plus largement les textes des élèves vers l’écriture créative en proposant des déclencheurs d’écriture en relation avec les diverses expériences faites au cours de l’atelier. Ainsi une visite du studio d’enregistrement de Joëlle Gayot à la Maison de la radio, donne lieu à des textes débutant par « les micros sont ouverts, le rouge s’allume ». On peut aussi citer les textes produits à l’occasion de la visite du Théâtre Gérard Philipe lors de sa réouverture après les travaux, où les élèves ont pu découvrir le lieu dans toutes ses dimensions. Le déclencheur proposé était : « j’ai fait un rêve j’ai 30 ans je pousse la porte du théâtre »

Enfin, la séance finale a été l’occasion pour les élèves de dresser un bilan de l’année sous forme poétique, initié par les mots de Verlaine : « il pleut sur Sarcelles »

  • La multiplication de ces pratiques d’écriture créative a eu un effet désinhibant sur des élèves dont la maîtrise de la langue était parfois fragile, dont les pratiques d’écriture étaient souvent rares et toujours scolaires, voire en situation de refus total de l’écrit. Ils sont progressivement sortis du compte-rendu purement descriptif pour aller à la recherche d’images et d’effets de style propres à retranscrire leurs expériences. Cela a engendré une vraie prise de conscience des effets d’écriture par une pratique personnelle, et non par l’exercice du commentaire tel qu’il est enseigné en cours.

Evaluation du dispositif

Les textes rédigés au cours de l’année n’ont fait l’objet d’aucune notation. En revanche ils ont toujours été rédigés dans la perspective d’être reçus par des destinataires autres que leurs professeurs, et ce simple fait a suffi à motiver leur écriture.

L’évaluation finale s’est faite sous la forme d’un questionnaire, où les élèves ont été invités à porter un regard rétrospectif et critique sur leur évolution au cours de l’année. Cette prise de conscience de l’amélioration de leurs écrits ainsi que l’identification des éléments d’écriture désormais maîtrisés a semblé une évaluation suffisante, dans la mesure où cela manifestait des compétences acquises et donc réutilisables.

Voici quelques commentaires :

  • Alisha :

    « mon écriture a changé comme l’expression, le détail : avant j’écrivais de manière simple je n’arrivais pas à écrire plus loin, je restais plus dans la globalité. Maintenant je peux vraiment donner des détails précis, même chose pour mon opinion, dans mes premiers textes je parlais plus des opinions en général mais j’avais du mal à dire la mienne. »

  • Yazid :

    « J’ai l’impression de parler d’une façon plus soutenue je pense que c’est à force de parler à des adultes et pas à ma famille et mes amis. »

  • Sochanda :

    « Mon premier texte est totalement descriptif sans aucun commentaire. Je remarque qu’au cours de l’année j’apporte a chacune de mes phrases un peu plus de couleurs avec des figures de styles et des tournures de phrases. »

  • Ophélie :

    « En relisant mon premier texte, je le trouve ennuyeux, je trouve que je n’ai pas réussi à intéresser les lecteurs. Cependant, au fur et à mesures des écritures, mon style semble avoir changé : j’écris mes textes avec plus de liberté et de plaisir. Je me permets les questions rhétoriques, les comparaisons et autres figures de styles. »

  • Ana Clara :

    « Le premier texte était vraiment … comment vous dire … NUL ! Au fur et au mesure , on abordait le thème du théâtre avec beaucoup plus de vocabulaire théâtral et de facilité à parler sur ce sujet en apportant toutefois toujours notre avis tant positif que négatif. »

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