Étude d’une nouvelle de Dezsö Kosztolányi : « Le traducteur cleptomane »

, par Gaëlle Chauvineau

Cet article renvoie à d’anciens programmes ; néanmoins, la démarche pédagogique exposée conserve tout son intérêt.

travail proposé par Erzsebet Vizy

Présentation de la séquence : Niveau : classe de seconde. Objets d’étude : Écrire, publier, lire ; Le récit : la nouvelle ; Le travail de l’écriture.

La séquence présentée peut prendre place en début d’année car elle permet d’aborder la lecture d’un récit complet court (environ 2000 mots) ne présentant pas d’obstacle culturel majeur (nouvelle hongroise du début du XXème siècle) ni de difficulté de langue.
Enjeux de la séquence :
La nouvelle permet d’engager avec les élèves la réflexion sur les relations qu’entretient la littérature avec le monde réel, sur le travail de l’écrivain et sur les postures du lecteur (que propose le traducteur : une translation d’une langue à une autre ou une interprétation de l’œuvre ? que fait l’écrivain, plus généralement ? quelle est l’attitude du lecteur : s’immerge-t-il dans la fiction ou établit-il une distance critique avec l’œuvre ?).
La nouvelle, au moyen de la métaphore de l’enquête policière développée par le narrateur Kornél Esti, peut aussi se lire comme une illustration d’une démarche herméneutique pouvant constituer une première approche de l’analyse littéraire pour des élèves de seconde.

Pourquoi ai-je choisi ce texte ? :

1. Dans le but de former leur jugement, leur esprit : Nouvelle qui peut servir de point de départ à une réflexion sur les diverses pratiques de lecture et d’écriture (pratique de la lecture privée, scolaire… ; pratiques d’écriture littéraire, « alimentaire », scolaire…).
2. Dans le but de construire leur culture : Nouvelle qui peut amener une première définition de la littérarité d’un texte (qu’est-ce qui fait la qualité ou la médiocrité d’une œuvre ?...) ; œuvre d’un grand auteur européen.
3. Dans la perspective des programmes : Nouvelle au sujet inattendu, alliant humour et effet de surprise et qui par sa richesse permet de croiser plusieurs objets d’étude.

Les activités/ la séquence

Présentation des séances, des objectifs et des activités :

Démarches

Attitude / Engagement :

Comment engager à lire des élèves qui arrivent en classe de seconde souvent blasés (« c’est toujours la même chose », « on a déjà entendu parler de ça ») ou résignés à lire de auteurs désignés par le professeur et qui, forcément, ne correspondent pas à ceux de leurs lectures personnelles ? Le choix d’un écrivain inconnu des élèves et d’une nouvelle au sujet original et humoristique permet de contourner ces difficultés en début d’année scolaire. L’engagement des élèves peut / doit être soutenu par celui du professeur : son intérêt pour la littérature étrangère et pour la culture européenne du début du vingtième siècle peut enrichir l’intérêt pédagogique et didactique de la séquence, et accompagner la stratégie élaborée pour stimuler la curiosité de la classe.
C’est une attitude active qu’on cherche ici à susciter chez l’élève : questionnement, proposition et vérification d’hypothèses de lecture, construction du sens de la nouvelle sont au cœur du projet, qui engage aussi l’élève à réfléchir à ses propres postures de lecteur et à ses propres définitions de lecture(s) et littérature(s). Gallus, le traducteur malheureux, « malmène » un roman policier ; Kornél Esti, le narrateur, transforme son récit en enquête policière ; les élèves sont à leur tour invités à mener un enquête dont l’enjeu est de les amener à préciser / améliorer leurs compétences de lecteurs mais aussi à poser les bases d’une réflexion sur littérature, écriture et lecture.

Parcours :

La séquence présentée propose une entrée dans la lecture progressive afin de permettre le questionnement et la recherche de réponses, les allers et retours entre paroles échangées en classe et texte. Ce choix, que n’impose nullement la brièveté de la nouvelle, est cependant adapté à la construction narrative qui s’y développe (récit enchâssé et narrateur qui ménage un effet d’attente) et permet un dévoilement progressif du sens et son approfondissement qui peut s’inspirer de la démarche herméneutique analysée par C. Ginzburg. C’est ainsi que l’entrée dans la lecture se fait ici par le titre énigmatique de la nouvelle. La lecture elle-même a lieu en deux temps : la première partie est lue en classe oralement par le professeur pour permettre ensuite une lecture intégrale par les élèves à la maison ou en classe. A chaque étape des hypothèses sont énoncées ou vérifiées et la lecture va en se précisant et s’approfondissant.

Représentation :

« Le traducteur cleptomane » offre la possibilité aux élèves d’identifier et de définir leurs représentations : qu’est-ce qui rend un livre attirant (titre / sujet inattendu / dispositifs narratifs…) ? Quelle relation la fiction entretient-elle avec le réel ? (L’expérience du traducteur cleptomane qui se laisse prendre au piège de la fiction est transposable à celle des lecteurs.) Quel est le rôle de l’écrivain ? du traducteur ? Quelles peuvent être les diverses postures et attentes du lecteur ? Qu’est-ce que la littérature ? (La nouvelle invite à distinguer œuvre « poétique » et alimentaire, tout comme elle fait s’interroger sur lectures « faciles » ou présentant un plus grand intérêt.)

Bibliographie :

Dezsö Kosztolányi, Le Traducteur cleptomane et autres histoires, traduit du hongrois par Ádám Péter et Maurice Regnaut, Viviane Hamy, 2002.
Carlo Ginzburg, Trace, Poche Flammarion, 1979.

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